Professeurs, Cours, & Personnels
L’examen attentif des modifications qui affecté la répartition et le contenu des enseignements proposés par l’École tout au long de ce siècle, constitue un formidable document sociologique et se révèle particulièrement instructif.
De 1909 à 1954, le cursus relativement dense s’étale sur deux ans. Dans son opuscule de 1910 sur « La Nécessité de l’enseignement commercial », Paul BAUGAS en précise les modalités : « La première année est consacrée à l’enseignement des matières suivantes : Le commerce, la comptabilité et les documents commerciaux, la législation commerciale, les institutions commerciales, l’économie politique, la géographie commerciale, l’arithmétique commerciale et l’algèbre financière les langues anglaises, allemande et espagnol, la sténographie et la dactylographie.
Le programme d’enseignement de deuxième année comprend, outre la comptabilité, le droit commercial et les langues, le droit civil français, la législation douanière, le droit fiscal, la procédure commerciale, l’économie sociale, la législation ouvrière et industrielle. Un cours de morale dans ses rapports avec le commerce couronne cet enseignement. »
Professeurs de la faculté de droit de l’UCO et de l’ESSCA dans les années 30 (à droite au 1er plan, Paul BAUGAS)
À la lumière de ce tour d’horizon, on peut convenir que jamais l’ampleur et la variété n’en contrarient la précision.
Un petit vade-mecum d’une soixantaine de pages, daté de 1911, nous informe sur le contenu des programmes et nous livre en particulier le plan détaillé de la vingtaine de cours que dispensent les quelques 16 professeurs attachés à l’Etablissement. Ce qui frappe avec un siècle de recul, c’est le parti-pris d’exhaustivité affiché, et la volonté manifeste de relier le fonctionnement de mécanismes techniques complexes à une compréhension plus globale des choses.
Vingt ans plus tard, une brochure d’information de « l’ESCA », imprimée en mai 1932, énumère les disciplines jugées prioritaires pour le cursus de l’École : « La Comptabilité, le Droit Commercial, les Questions Monétaires, la Géographie Commerciale, l’Economie Politique, l’Arithmétique appliquée au Commerce, l’Etude du système douanier, la Législation Industrielle, les Lois Ouvrières, la Législation Fiscale, forment un ensemble dont la connaissance est indispensable dans un programme de haut enseignement commercial ».
Une bonne partie des 16 enseignants, en particulier l’ensemble des juristes, provient de l’UCO. Comme l’énonce la plaquette : « l’Université Catholique offre, en effet, une pépinière toute naturelle de professeurs éprouvés, où l’École Supérieure de Commerce d’Angers se devait de recruter la majeure partie de son personnel enseignant et donner ainsi toute garantie, comme savoir et comme méthode aux élèves et à leurs familles ».
Dans ce nouvel inventaire comme dans ceux à venir, si les matières techniques se taillent fort justement la part du lion, elles ne sont pas exclusives comme le constate Henri MARTHOREL, avocat et professeur de Droit à l’UCO et à l’École. En avril 1951, il écrit dans le bulletin de l’Établissement :
« Depuis sa fondation, l’ESSCA s’est toujours souvenue que son rôle lui imposait de former non seulement des (spécialistes) compétents et consciencieux, mais aussi des hommes cultivés au sens propre du terme, c’est-à- dire des hommes qui ne seraient pas seulement des techniciens du commerce et de l’industrie, mais qui conserveraient de leur passage à l’École une ouverture d’esprit leur permettant de s’intéresser à toutes les questions d’intérêt général, si éloignées qu’elles puissent paraître extérieurement de leurs préoccupation professionnelles. C’est ainsi que dès sa création, l’École comportait à côté des cours purement techniques de Comptabilité ou de Mathématiques Commerciales, des cours de Droit Commercial, de Droit Civil, d’Economie Politique, etc. Cette tendance à l’élargissement du champ des études ne fait que s’accentuer depuis plusieurs années, et de plus en plus nous voyons l’attention de nos (élèves) attirée par les problèmes de culture générale (parallèlement à leurs spécialisations professionnelles). (...) Étudiants, sans oublier que votre première obligation est la connaissance parfaite de la technique de votre profession, vous ne pouvez pas oublier davantage que pour être des chefs industriels ou commerciaux il faut, au lieu d’avoir des œillères, avoir l’intelligence ouverte sur tous les problèmes attirant à l’heure actuelle l’attention de l’homme cultivé ».
Ce discours pourrait être repris à la virgule près par la Direction actuelle qui multiplie les opportunités d’ouvertures en introduisant au sein même du cursus, des « Ateliers d’Ouverture Culturelle », des « Séminaires » sur de grands thèmes ainsi que des conférences d’intérêt général.
En 1955, après la rentrée de la première promotion en trois ans en octobre de l’année précédente, le corps professoral compte 27 intervenants pour 120 élèves. Les dépenses liées à l’enseignement représentent à cette époque 40 % des dépenses totales de l’École. En 1938, c’était 66 % et en 1958, 76,5 % !
Parmi les disciplines étudiées alors, on note en particulier des cours de Banque, de Transports, de Publicité, d’Import-Export, d’Assurances et de Philosophie Morale et Sociale. Délivrés par des spécialistes, ils faisaient déjà l’objet d’un enseignement dès les origines, mais sous forme d’interventions ponctuelles facultatives.
À partir de 1969, millésime de la nouvelle implantation de l’ESSCA, le schéma d’organisation des études subit de profondes modifications avec l’introduction de la nouvelle répartition en quatre ans. La première année est une année d’initiation. Les étudiants bien qu’ils aient à suivre un premier cours sur l’Organisation de l’Entreprise et un cours de Comptabilité Générale, étudient les disciplines « d’environnement », indispensables à tout décideur : Histoire de la Pensée Economique, Economie, Droit, Institutions Publiques, Langues, Mathématiques Financières, Statistiques. La seconde et la troisième année reprennent cette formation en l’approfondissant et en abordant les sciences qui touchent directement à la vie de l’entreprise. La quatrième année est une année de synthèse et d’orientation préparant directement à la vie active par des enseignements diversifiés entre lesquels nos futurs diplômés ont à choisir.
L’ESSCA le proclame : « L’École a toujours voulu rassembler dans son corps enseignant des professionnels de l’enseignement et des praticiens de la vie des affaires, de façon à favoriser les échanges entre la conception et la mise en œuvre des outils de gestion des entreprises. »
Donc, et c’est un fait notable, lorsque l’École emménage à Belle-Beille, le corps professoral ne compte toujours aucun professeur permanent. Heureusement, l’Institution dispose d’un certain nombre de vacataires très engagés parmi ses quelques 31 enseignants. Leur nombre passe à 48 en 1973. Parmi eux, le plus atypique est certainement Georges BYKADOROFF, personnalité connue du tout Angers, professeur d’Éducation Physique et conseiller sportif de l’École.
La situation change à partir de 1976, lorsque s’impose une réforme de l’organisation pédagogique. La mise en place de six Départements d’enseignement, dirigés par un professeur permanent a pour objectif de coordonner efficacement l’action des chefs de section, des assistantes, des vacataires et des plus de 100 intervenants d’alors. Les Départements « Finance-Comptabilité », « Études Juridiques et Économiques », « Calcul et Traitement des données », « Marketing », « Stratégie et Sciences Humaines », « Langues et Communication » sont complétés par le Département « Information-Documentation » dirigé par Jean-Pierre KAUFFMANN, responsable du « SID » devenu à présent « Médiathèque », que nos étudiants de ces trente-cinq dernières années connaissent bien puisqu’il y officie depuis la mi-octobre 1974 et à plein temps depuis 1977.
Prévus pour 200 élèves en 1969, les locaux en abritent 327 en cette année 1976. Par la force des choses, les cours se multiplient et une tendance lourde, qui ne sera plus jamais démentie par la suite, tend à s’imposer : les cours de promotions entières qui nécessitent des interventions en « amphi » sont petit à petit délaissés au profit de cours de groupes, dans des salles plus réduites dont le nombre s’est forcément multiplié.
En 1981, douze professeurs permanents à temps plein et à temps partiel, assurent environ le tiers du total des heures de cours dispensées à l’École au cours de l’année universitaire, ceci pour 380 étudiants. L’établissement continue à s’assurer le concours de soixante vacataires et conférenciers.
Avec 530 inscrits en 1987, l’ESSCA dispose d’un enseignant permanent pour 36 élèves soit en tout quinze professeurs.
Si l’architecture de la formation et l’organisation actuelle des cours relèvent d’un autre chapitre (Cf. « Départements d’enseignement »), une de leurs caractéristiques mérite tout de même d’être abordée ici-même : l’étroite imbrication École-entreprises en matière de programmes. On a déjà souligné à quel point l’entreprise était un partenaire à part entière tout au long du cursus de l’École. Mais un de ses rôles tout à fait essentiel reste à définir.
Françoise BORDET, Directrice des Programmes Master, s’exprime sur le sujet : « Le lien avec les entreprises est fondamental pour l’ESSCA. Elles sont notamment très présentes grâce à des intervenants et à une participation active aux groupes de pilotage des programmes. Par exemple, le Département Finance travaille avec des représentants d’entreprises comme la Société Générale, mais également avec le Crédit Industriel de l’Ouest ou le Crédit Mutuel. Ils nous aident à construire des contenus et des programmes qui répondent aux besoins actuels et à venir du secteur. »
Les adaptations et les ajustements affinés à la demande du marché constituent certes les clefs de l’avenir, mais également celles de la crédibilité pour une École de commerce en phase avec son environnement.
Et notre Établissement ne manque pas de reconnaissance. C’est pourquoi, il attire les meilleurs en termes de professionnels de haut niveau.
« Actuellement la faculté de l’ESSCA se compose de soixante- deux professeurs permanents dont quarante-cinq docteurs. Leur activité de recherche les amène à publier dans les revues internationales en sciences humaines, ainsi qu'en philosophie, sociologie, économie, management, droit, contribuant à la connaissance au sein de la communauté académique » ainsi que le rappelle Benjamin MORISSE, Docteur en Sciences de Gestion et Doyen du corps professoral. « La diversité culturelle et la richesse du corps professoral de l’École constituent l’un des atouts-maîtres de l’efficience pédagogique que nous reconnaissent les accréditations prestigieuses dont bénéficient nos programmes. »
Ajoutons qu’actuellement 400 Maîtres de Conférence, chargés de cours et experts internationaux complètent cet inventaire d’envergure.
Au final, l’École emploie en 2009 165 personnes au total, dont 135 sont basées à Angers, 20 à Paris et 10 à Budapest et Shanghai.
Pour terminer, laissons la parole à Xavier DURAND, Docteur en sciences de Gestion et responsable des enseignements d’audit. Pour lui permettre de conclure, nous lui nous avons posé cette question simple et complexe à la fois : « Compte tenu des priorités définies et affichées actuellement par toutes les instances de l’École, qu’est-ce qu’un enseignant de l’ESSCA en 2009 ? » :
« Et bien, ce n’est pas seulement celui qui sait ; au cœur du dispositif pédagogique, le professeur de l’ESSCA est non seulement celui qui transmet un savoir, mais aussi qui coordonne des équipes d’intervenants, encadre des élèves, les oriente, les conseille, les encourage et les soutient aussi. Attentif aux mutations du monde qui l’entoure, il doit être à la fois théoricien et homme de terrain, et participant activement à la vie scientifique de sa discipline, doit toujours garder le contact avec les praticiens. »
Bref, à n’en pas douter, l’enseignant contemporain est devenu un homme-orchestre... dans un film choral !