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Système U : le quotidien d'un commerce essentiel

13 avril 2020 Portrait de diplômés
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Dominique Schelcher (promo 1993) est le Président du groupe Système U depuis le 17 mai 2018. Il a succédé à ce poste à Serge Papin. Il est également propriétaire d'un magasin U à Fessenheim en Alsace en plein cluster Covid-19. Lauréat du Grand Prix des ESSCA Awards 2019, sa très forte activité actuelle ne nous a pas permis de l'interviewer en direct mais il a tenu à nous faire part du quotidien des collaborateurs de Système U durant cette crise sanitaire.


(propos recueillis par Patrick Bouillet auprès de Thierry Desouches – responsable des relations extérieures groupe Système U).

 

Identifiés par les autorités dès le début de la crise sanitaire comme « commerce de première nécessité », les points de vente de la grande distribution sont restés ouverts.

Cette situation exceptionnelle a eu le mérite de remettre sous les projecteurs de nos concitoyens des personnels jusqu’à présent au mieux « transparents » comme les hôtesses de caisse.

Mais durant toute cette période, derrière ces « caissières », c’est toute une chaîne qui reste mobilisée pour nous permettre de continuer à vivre, même en confinement.

Pour rappel, Système U comprend :

  • une centrale d’achat nationale à Rungis (800 personnes) regroupant les services achat bien sûr mais également toutes les fonctions supports (marketing, communication, développement, juridique, comptabilité…),
  • les plateformes logistiques et
  • 1559 magasins (65 Hyper U (hypermarchés), 762 Super U (supermarchés) ,le solde (U Express, et Utile) des magasins de proximité dont une majorité en centre-ville.

Le groupe a toujours privilégié la proximité au gigantisme et ce positionnement confirme son bien-fondé avec l’évolution actuelle du comportement du consommateur. 


La particularité de Système U (que l’on retrouve dans d’autres groupes de commerçants indépendants : Leclerc, Intermarché) est que chaque magasin est la propriété d’un patron indépendant.

Cette structure du capital peut avoir des impacts extrêmement positifs sur la gestion RH et l’état d’esprit des 70 000 collaborateurs – dont 62 000 en magasin - ainsi que nous le verrons plus loin.



Thierry, question un peu évidente, votre activité est-elle impactée par la crise sanitaire actuelle ?

 

Bien évidemment, même si notre statut de commerce alimentaire nous permet de rester ouvert. Nous n’avons pas à gérer les chutes vertigineuses de chiffre d’affaires que subissent les entreprises qui ont dû cesser ou réduire fortement leur activité.

Cependant, nous avons fait face à une situation inédite. Tout d’abord, cette crise n’a pas été linéaire avec comme point de bascule, le 17 mars - début du confinement.

Avant cette date, nous avons constaté des achats hors norme sur les produits non périssables.

Plus 150% pour les pâtes, plus 100% pour le papier toilettes, idem pour les conserves de légumes ou les plats préparés et un impact non négligeable sur la vente de carburant, les consommateurs faisant leur plein intégral « au cas où ».

Cette hausse hors norme a mis en forte tension toute la chaîne d’approvisionnement (production, stockage, livraison). En effet, elle n’était pas forcément dimensionnée pour. Mais les collaborateurs, fournisseurs et prestataires ont répondu « présent » nous permettant d’éviter des ruptures sèches sur des gammes complètes.

Après l’annonce du confinement, le comportement est devenu plus « rationnel ». Cela s’est traduit par l’arrêt de la ruée sur les produits de première nécessité, des achats plus « responsables » même si les quantités restent encore supérieures à la normale avec un respect global des mesures de distanciation en point de vente.

La fréquentation a également changé. Alors que l’on constatait 2 visites par semaine avec un panier moyen d’environ 45€, ce n’est plus aujourd’hui qu’une seule visite avec un PM de 90 €.  


Avec plus 100%, les « drive » ont été les plus grands « bénéficiaires » de cette crise.

Nos clients les ont en effet plébiscités pour limiter l’exposition au virus. Ce qui n’est pas non plus sans poser de problème. A l’instar de nos confrères, nous avons dû limiter les créneaux de mise à disposition, les équipes dédiées normalement à la préparation des commandes n’étant pas assez nombreuses malgré le renfort de collaborateurs de magasin ou l’embauche en semaine complète des étudiants intervenants traditionnellement dans nos magasins le week-end.

Ainsi, il peut arriver qu’exceptionnellement les délais de mise à disposition des commandes soit de 72 voire 96 heures.

Autre enseignement, la désaffection du public pour les produits frais et « ultra frais », en fait tous les produits qui réclament une intervention humaine pour la vente.

Le rayon poissonnerie est ainsi le plus impacté, mais guère plus que la boucherie ou la fromagerie. Le surgelé a compensé en partie : on n’achète plus de filet de cabillaud frais… mais en surgelé.

Notre stratégie d’implantation de proximité est évidemment un atout indéniable, les consommateurs rechignant de plus en plus à rouler 15 km et plus pour aller faire leurs courses surtout dans la période actuelle.

On peut dire que c’est une éclaircie dans ce ciel chargé de mauvaises nouvelles.

 

Et au niveau des ressources humaines ?

Au niveau du groupe, nous avons à gérer 3 types de population, le réseau des magasins, la logistique et les fonctions supports et annexes.

Il a tout d’abord fallu mettre en sécurité au maximum les 62 000 collaborateurs plus ou moins en contact avec le public.

Avouons-le, nous avons été confrontés aux mêmes problèmes que nos confrères pour nous procurer les matériels de protection et souvent Système U a dû enclencher le Système D.

La situation se normalise progressivement mêmes si les approvisionnements restent tendus.

Si le personnel des points de vente peut continuer à avoir une activité presque normale, il en va différemment des autres secteurs.

Ainsi, la logistique doit résoudre le dilemme : gros volumes à traiter et absence de nombreux personnels. C’est en fait toute la chaîne d’approvisionnement qui est impactée, ces difficultés étant également ressenties par le transport et même nos fournisseurs. Nous faisons face, mais la situation reste tendue.

Notre volonté de « faire travailler » au maximum le local, pallie en partie ces difficultés mais la sortie de crise sera longue pour retrouver la fluidité antérieure.

Au niveau des fonctions supports, nous avons privilégié le télétravail dès le début de la crise ou la réaffectation des personnels à d’autres tâches.

Le fonctionnement des instances de la coopérative est également très impacté.

En effet, chaque commerçant adhérent est impliqué dans le fonctionnement et les prises de décisions du groupement, la situation particulière que nous traversons nous oblige à nous adapter.

Ils doivent ainsi se partager entre leurs responsabilités au sein du groupement et leurs actions sur le terrain. C’est déjà le cas en temps normal mais la crise l’a accentué dans des proportions notables.

Mais ce que nous constatons, c’est un véritable engagement commun de tous les collaborateurs pour le bien de nos concitoyens : tous unis pour faire face !

Peut être parce que les équipes sont au contact permanent de leur référent principal, leur patron. Il est ainsi plus facile de créer cet esprit de corps que nous constatons.

 



Et votre vision de la sortie de crise ?

 

Il y aura certainement un avant et un après crise du Covid-19. Mais pour que nous sortions tous « par le haut », il faudra avoir une solidarité sans faille et à tous les niveaux.

Dans le cadre de la chaîne d’approvisionnement par exemple, les discussions « au centime » qui passent pour la norme dans la grande distribution devront passer par une plus grande solidarité entre les producteurs, les transformateurs, la distribution mais également les consommateurs. Par exemple, nous avons décidé de régler comptant les factures des PME et TPE aux centrales.

Nous essayons également de mettre en place des actions de solidarité vis-à-vis de nos fournisseurs agricoles locaux. Pour les asperges dont la saison est très courte par exemple, nous privilégions au maximum les producteurs français plutôt que les productions espagnoles pour assurer des débouchés à nos agriculteurs.

Cette crise aura au moins eu un aspect positif : le renforcement de la prise de conscience que l’on a tous besoin les uns des autres




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